J’étais chez Docteur Keïta, le dentiste


Mercredi, mois de février. Au petit matin, alors que les brins de soleil perçaient les trous de ma fenêtre illuminant ma petite chambre, je songeais à me rendre à la fac. Habituellement, cela me rendais heureux. Car cela contribuait favorablement à gonfler ma petite cervelle de connaissances. Chose décidée, cependant cette matinée était tristounette. Elle semblait être différente des autres.

Me réveillant écrasé, j’étais dans un état exécrable.  Je ne me sentais pas bien. Ma joue était d’une boursouflure inhabituelle. Ce gonflement de ma joue gauche tel un ballon pompé, dénaturant les traits de mon visage s’expliquait par un mal de dent. Cela me flanquais un aspect d’un jeune-homme cogné au visage. J’avais l’air tristounet. 
Il y a de cela quelques années, ces maux de dents me pétrifiaient pendant les vacances passées dans ma sous-préfecture Sigon. Ils ne m’ont pas quitté totalement. Ils devenaient telle une hantise qu’il faut combattre à tout prix.
Dans ces conditions, deux idées s’entrechoquent dans ma tête. L’une, partir étudier et l’autre, aller se soigner. La deuxième pensée vainc. Donc, mon désir d’aller faire la programmation a échoué. La santé avant tout. On le dit souvent d’ailleurs. Alors let’s go to the dentist.
Monsieur Keïta que je connais, est un jeune dentiste qui évolue dans l’odontologie. C’est un spécialiste soignant les problèmes bucco-dentaires. Son cabinet étant situé à la T6 sur la route Leprince, je prends rendez-vous vers 16h. A l’heure exacte, je bouge.
Dans certaines banlieues de Conakry, les ruelles sont espacées. Le constat laisse à dire que Conakry est habité au centre-ville. Tout l’extrémité est vide. Pas étonnant, les vagues de va-et-vient tel un courant agacent les Conakrycas dans les embouteillages. Aucun moyen de déplacement dispo, je commence mon pèlerinage. Vous le savez sans moyen de transport à votre portée, il faut compter sur ses pieds. Bientôt j’arrive sur la route principale.
Heureusement me dis-je, je n’allais traverser tout Conakry sous ce soleil cuisant pour me rendre à Donka. Ce grand hôpital Donka mérite vraiment une vraie rénovation. Lorsque l’hôpital même n’est pas assaini, c’est désolant pour ceux qui veulent se soigner.
Sur la route, des idées s’entrechoquent dans ma tête telles un flux de souvenirs. Il faut l’avouer, à l’enfance cela me foutait vraiment la trouille d’aller chez le dentiste. Le principal problème : l’extraction douloureuse des dents. J’estime que je ne suis pas le seul. La peur de cette souffrance était due à mon ignorance : l’ignorance est source de peur. A présent, je m’y fais puisque je comprends le procédé. Les sciences expérimentales m’ont appris énormément de choses.
A ma descente à la T6, je recontacte Dr. Keïta pour une localisation précise de son cabinet. Le soleil chauffait ma tête occasionnant une descente de sueur. Après quelques échanges fructueux, je retrouve le lieu en zigzaguant les ruelles bondées de cailloux. Des camions usés stationnaient à côte. Dans ces quartiers, votre vraie compagnie est la poussière pendant la saison sèche et la boue pendant le temps pluvial.
A la rentrée du cabinet, un mot était inscrit pour informer : Dentiste du Sud. C’est le nom du cabinet. Quelques coups au portail principal, Dr. Keita me reconnait aussitôt. « Entre !» dit-il d’un ton amical. Finalement, je rentre à l’intérieur après quelques minutes d’attente.
Des salutations amicales s’imposent ; Dr. Keita commence à s’excuser pour mon calvaire subit durant le trajet. « Ce n’est pas grave ! », dis-je humblement. Sur ce, Dr. Keita me posa quelques questions du genre : Age, profession, type de maladie… Il notait tout dans le carnet médical. Ironiquement il me dit « Ne t’en fait pas, je ne vais te demander si t’es marié ou pas. Je sais ». Way ! ça se voit. Un véritable célibat de Conakry. Rire !
Fini les amabilités. Place à l’examen. Keita me suggéra de m’allonger sur son petit lit médical. Le lit était remonté de quelques angles pour remonter la tête. C’est le moment de la séance de thérapie, de contrôle. Tranquillement allongé, les yeux fixés vers le toit, j’ouvre ma grande gueule. Je n’avais plus peur comme auparavant, Dr. Keita avec ses gants médicaux s’approche. Comme pour me rassurer, il me présente un miroir afin d’observer ma dent. J’observe. Entre les deux lèvres, sous les glandes amygdales du côté gauche, une dent parmi les trois molaires était cariée presque jusqu’à la gencive. « Tu l’as vue ? », me demande-t-il. « Oui », répondis-je.
Dr. Keita débute la séance par un piquage de la dent. Pour me libérer de la boursoufflure, il fallait élargir les cavités. Alors, il enfonce une aiguille dans la dent. A l’intérieur, il la faisait tourner à tour. Tel une vis à serrer, l’aiguille faisait son tour de cercle. Pendant ce temps, il me disait : « Si ça te fait mal, tu lèves simplement la main en signe de douleur. Je le saurai. » « Houhou » rétorquai-dis-je la bouche ouverte. A la robotique, je ne ressentais pas assez de douleur. J’avais l’impression que mes nerfs ne répondaient pas aux influx nerveux. De son côté, Dr. Keita continuait son exploration dentaire avec habilité. Il me rassurait sans cesse. En voilà un dentiste communicateur. Et donc, la communication est un talent qu’il faut exploiter.
Au fur et à mesure que l’expérience continuait, les glandes salivaires continuaient leurs secrétions. L’effet biologique faisait son effet. Chaque organe semblait joué son rôle dans ce système buccal. A ma gauche, un sceau posé servait de poubelle. Je crache à l’intérieur. Quant à ma droite, une petite table servait de support des différents matériels utilisés par le dentiste. Sur cette dernière, était rangée toute sorte de matériels : pinces, aiguilles…Pas beau à voir pour un profane du métier.
Pour bien libérer les voies, Dr. Keita utilise un nouvel instrument. Telle une machine qui ronfle, cet instrument ronronnait dans la bouche avec des bruits de vroum-vroum. Je ne comprenais pas ce qui s’y passait mais j’étais tout le temps rassuré. Dieu merci les voies sont ouvertes. L’enflure va diminuer. Place au nettoyage. C’est à ce moment qu’il me suggéra de me relever. Ça va aller. Il prescrit quelques antibiotiques à prendre dans les jours à venir. Je devais encore revenir plus tard.
Quelques jours après comme prévu je reviens, les antibiotiques n’avaient pas faits leur effet. Achetées dans une boutique, les petites plaquettes d’amoxillines que j’avais avalé n’ont servi à rien. Cela ressemblait à de véritable farines. Feu vert au colonel Moussa Tiegboro Camara de continuer son opération de fermeture de pharmacies par terre. Franchement !
Plus chers, j’achète dans une pharmacie normale. Là, je retrouve mon visage. A mon retour dans le cabinet, Dr. Keita m’examine et libère ma dent. Je suis clean maintenant.
Très ravi de partager cette expérience avec vous cher(e)s lecteurs et lectrices.

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